Quand on parle de Monty, on pense à l’Espagne dans un premier temps, puis à la Suisse dans un second. Les Gavillet, Jacqueline et Robert, et leur fils Joël, ont en effet réussi à faire de la Suisse l’autre bastion de la marque espagnole qui est à l’origine de notre sport. C’est avec un pincement au cœur que nous vous informions en fin d’année dernière qu’après 23 ans de bons et loyaux services dans le monde du Vélo-Trial, Jacqueline et Robert Gavillet avaient pris leur retraite et passaient les rênes de l’importation des vélos Monty en Suisse. C’est une famille du Jura suisse, la famille Vuilleme d’Epauvillers, entre Delémont et Porrentruy, qui a repris le flambeau de Swiss Monty dès le 1er janvier 2010.
Revenons sur l’histoire de cette passion familiale, qui a marqué le monde du Vélo-Trial à l’intérieur des frontières suisses et même bien au-delà ! Première partie de la saga des Gavillet... La genèse de Swiss Monty !
Passionnés de moto, Robert et sa femme Jacqueline ont écumé les circuits de Grand Prix moto dans les années 60-70 en suivant leur ami, le regretté pilote Paul-Henri Chollet. Menuisier de profession, Robert est un touche à tout autodidacte ingénieux et consciencieux, si bien qu’il devient rapidement le mécano de tous les motards des environs de Moudon. En 1970, Jacqueline et Robert ont un fils qu’ils prénomment Joël, en référence au grand pilote de motocross Joël Robert.
1970, Jacqueline sur la moto de Robert qui les mènera aux 4 coins de l’Europe. Dans ses bras leur fils Joël alors âgé de 6 mois.
C’est aussi dans le début des années 70 que Robert découvre le Trial-Moto qu’il pratiquera en amateur. En 1976, Robert se casse un genou à l’entrainement, ce qui le contraindra à arrêter la pratique du trial. Pionnier dans la vallée de la Broye, il n’y laissera pas le Trial-Moto orphelin, puisque des jeunes riverains de la forêt où il s’entrainait, intrigués par les bruits de moteur inhabituels, vont rapidement s’intéresser à ce sport et imiter Robert.
Début des années 70 : Robert sur sa Honda 125TL, modifiée pour le trial, avec Joël. A leurs côtés, quelques-uns des futurs fondateurs du Trial Club Passepartout de Moudon.
Ces mêmes jeunes fonderont en 1983 le Trial Club Passepartout de Moudon et ils en nommeront Robert membre d’honneur. Agé alors de 13 ans, Joël est rapidement intéressé par la pratique du trial à moto. Mais à l’époque, en Suisse, les possibilités de pratiquer le Trial à moto à un si jeune âge sont très limitées. Il essaiera donc quelquefois les motos des membres du club lors des entraînements. La même année, quelques membres du club effectuent une semaine d’entraînement en Espagne où ils découvrent que là-bas, les jeunes pratiquent le trial à vélo. Ils en achètent un sans hésiter et le ramènent en Suisse. Il s’agissait d’ailleurs du premier vélo de trial fabriqué en série, le légendaire Montesita T10 développé par l’ingénieur espagnol Pedro Pi. Comme tout le monde à cette époque dit que le vélo est la meilleure école pour la moto, Joël essaie ce drôle de vélo. Le club le lui prête pour quelque temps. Joël essaie d’imiter ses ainés motorisés et il se prend tellement au jeu que le vélo passera toute la saison et même l’hiver suivant dans ses mains. Il ne songera dès-lors plus à pratiquer le trial à moto et s’investira alors complètement dans le Vélo-Trial.
1983 : Joël sur le Montesita T10 prêté par le Trial Club Passepartout
Lors de différentes compétitions motos indoor en Suisse, Jacqueline, Robert et Joël ont l’occasion de découvrir les démonstrations du Français Thierry Girard : c’est la fascination, inconcevable auparavant de croire que l’on puisse faire de telles choses sur un vélo.
Trial Indoor de Sierre : Démonstration de Thierry Girard (au centre) et Alain Pascal (à gauche)
En 1984, Joël a son propre vélo, un Fantic. A cette époque, le Vélo-Trial est quasiment inconnu en Suisse Romande et les compétitions ne se déroulent qu’en Suisse Allemande. Des pratiquants Vélo-Trial d’un club voisin proposent à Joël de l’emmener dans une de ces compétitions. Il terminera 2ème en catégorie débutant pour sa première participation. Pour la compétition suivante, toute la famille se déplace et Robert dépanne déjà le vélo de Joël. Ca y est, le doigt est mis dans l’engrenage.
Joël lors d’une de ses premières compétitions sur son Fantic, un vélo de 15kg quasiment incassable (sauf le guidon !) Remarquez qu’à cette époque le casque n’était pas obligatoire...
En 1985, Joël s’offre ce vélo découvert dans les compétitions l’année précédente et qui est ce qui se fait de mieux à l’époque : le Monty T19, premier vélo produit par Pedro Pi après son départ de chez Montesa. Cette année, Robert et Jacqueline emmènent leur fils sur toutes les compétitions suisses. Joël avait alors 15 ans et s’il décidait de prendre une licence, il se serait alors retrouvé directement en concurrence avec l’Elite Suisse de l’époque, la catégorie A, dominée alors par un certain Hans Rey. Du coup Joël décide de faire 2 manches en débutant, puis d’essayer ensuite de se mesurer à l’Elite Suisse pour la fin de la saison. Déçu par sa 2ème place lors de la première manche, il prend immédiatement la licence lors de la manche suivante. En progressant régulièrement tout au long de la saison, il terminera sur la 3ème marche du podium lors de la dernière manche et 6ème au classement final du Championnat Suisse 1985.
Hans Rey, qui roule alors sur le Monty T19, s’échauffe avant une manche du Championnat Suisse. Ici, le but de l’exercice consiste à monter les escaliers en ne posant que la roue avant... épuisant !
Toujours en 1985, durant l’été, Hans Rey publie un petit article sur le journal de la fédération cycliste suisse. Un article de trial sur ce journal était assez rare, Joël sort donc ses rudiments d’allemand et s’empresse de le traduire : une manche de la Coupe d’Europe de Trialsin fait escale le week-end suivant à Grenoble en France voisine. (A l’époque, le Championnat du Monde n’existait pas. Trialsin était le nom officiel du Vélo-Trial à l’UCI. Il s’agissait d’une contraction en espagnol de "Trial sin motor", littéralement "Trial sans moteur") Ni une ni deux, Robert et Joël se rendent sur place pour admirer le spectacle. Ils profitent aussi de l’occasion pour faire la connaissance de Pedro Pi. A cette époque, le directeur et fondateur de la marque Monty finance un autocar pendant toute la durée de la coupe d’Europe, qui se déroule pendant les vacances d’été, afin de permettre aux pilotes espagnols d’y participer à moindre frais. Les discussions vont bon train et Robert fait part à Pedro des difficultés qu’il a à trouver des pièces de rechanges en Suisse. En effet, l’importation Monty est assurée à l’époque par un grand garage Zürichois dont la préoccupation principale se situe plutôt du côté des motos, le vélo étant laissé de côté.
Coupe d’Europe 1985 Grenoble (F) Le Suisse Hans Rey
Le Français Thierry Girard
L’Italien Alberto Limatore
Le Belge Daniel Crosset
Le Français Sylvain Girard
L’Espagnol Ot Pi
Regrettant de ne pas avoir pris son vélo pour participer à cette manche de Coupe d’Europe, Joël s’inscrit pour la manche du week-end suivant qui a lieu à Emmendingen au sud de l’Allemagne. Jacqueline et Robert l’y emmènent sans hésiter. S’il aligne les 5 pour sa première compétition internationale, Joël parvient tout de même à sortir une zone à 2 et ramène surtout une bonne dose de merveilleux souvenirs. Il se souvient notamment de la première zone, où une racine vicieuse contraindra par deux fois Thierry Girard à toucher le guidon au sol, ce qui lui coûtera 10 points, alors que le pilote local Hans Rey, commettant la même faute, bénéficiera de la clémence des commissaires locaux.
Coupe d’Europe 1985 Emmendingen (D) Vue d’une zone
Joël participe à sa première compétition internationale. Ici dans la zone où Thierry Girard se verra infliger 2 échecs. Cette fois le casque est obligatoire.
En 1986, Robert emmène toute la famille dans la région de Barcelone pour les vacances de Pâques. Un petit passage à l’usine Monty s’impose et les discussions commencées l’année précédente continuent. Il repart avec quelques vélos et pièces de rechange dans le coffre.
Ot Pi et Joël discutent à l’arrière de ce qui sera bientôt le premier bus de service SwissMonty
Joël à l’entraînement dans la région de Barcelone
Ot Pi, vainqueur de la manche du Championnat de Catalogne a Castellvi de Rosanes, futur village hôte des Championnats du Monde de Biketrial.
Quelques mois plus tard, après discussion avec le garage Zürichois, Pedro confirme à Jacqueline et Robert qu’il leur accorde l’importation exclusive des vélos Monty pour la Suisse. C’est le début d’une grande aventure pour toute la famille, puisque Jacqueline s’occupera de la comptabilité et Joël de la correspondance en langue allemande. SwissMonty Promotion est née et une étroite collaboration empreinte de confiance et d’amitié s’établira avec l’usine Monty.
En parallèle, Robert organise la première manche du Championnat Suisse de Vélo-Trial en Suisse Romande, à Moudon, avec l’aide indispensable et efficace du Trial Club Passepartout. Il assurera la présidence d’organisation pendant 5 ans, tandis que Jacqueline œuvrera dans la recherche de sponsors pour financer la manifestation et organisera le bureau de course. Par la suite, les activités de SwissMonty prenant de l’ampleur, il remettra la présidence d’organisation à d’autres membres du club. Le Trial Club Passepartout n’a pas cessé depuis d’organiser une manche chaque année et il faudra attendre 1991 pour qu’un autre club suisse romand, celui de Fully, se lance dans une telle organisation.
1986 : première organisation du trial de Moudon. En l’absence de Hans Rey, le bernois Daniel Wenger (sur le vélo) remportera la manche, sur un vélo en acier inox fabriqué par son papa. Joël (en rose sur la buse en béton) sera 2ème de la manche. Tout à droite, Robert, président d’organisation, est aussi juge de la zone artificielle, pendant que Jacqueline assure le fonctionnement du bureau.
La suite de cette belle page de l’Histoire du Trial par ici :
L’aventure Swiss Monty