On continue dans la série des interview de fin de saison des ténors de la scène élite UCI. Avec un gros morceau, une "super interview" du pilote le plus titré de notre discipline... Benito "la Bestia" Ros nous a accordé un entretien-fleuve, passionnant et sans détour, dans lequel le Koxx rider revient sur la saison écoulée, où il a été auréolé d’un neuvième sacre mondial. Mais a laissé échappé une sixième Coupe du Monde, au profit de celui qui a été son élève avant de devenir son plus grand rival... Abel Mustieles. On évoquera justement ses relations avec Abel qui semblent désormais plus tendues. On parlera aussi avec lui des belles perfs de Gilles et de Vince, de son nouveau Sky, des K-124 Days et de plein d’autres choses. On vous laisse déguster ça.
Propos recueillis le 27 septembre dernier par Alvaro Lopez & Marco Patrizi. Crédit-photos : Marco Patrizi, Mathias Lambrecht, Ian Wassmann.
Tribal Interview
Pour commencer, Benito, félicitations pour ton nouveau titre mondial. Décidément, on ne change pas les bonnes habitudes : nouveau maillot arc-en-ciel, nouvelle interview de fin de saison ! Ce titre a-t-il une valeur supérieure aux autres, étant donné que tu ne partais pas favori ?
Merci beaucoup. Non, pour moi, chaque titre a une valeur égale. L’an dernier aussi, il s’était passé des choses… Il n’y a pas de Championnat du Monde facile. Quoique je me souvienne de courses au titre qui s’étaient bien déroulées dès le début, où je contrôlais et où j’assurais. Mais il y a toujours des imprévus, des facteurs de course à gérer. Seul le Mondial de 2005 me laisse un souvenir de facilité : j’avais bien roulé de bout en bout. Pour tous les autres, je pourrais te raconter des anecdotes.
On a beaucoup parlé des problèmes rencontrés par Abel pendant la course. Toi, tu as fait un grand Mondial. Comment as-tu vécu tout ça ?
Que voulais-tu que je fasse ? Que je lui donne le titre ? Je ne te pose pas cette question à toi personnellement, mais je demande juste ce que j’aurais dû faire. Certes il y a eu la malchance mais moi aussi, si je voulais, je pourrais raconter ma casse de frein au Japon. C’est comme ça, on ne peut rien y faire. C’est normal qu’il en parle et qu’il l’ait mal vécu. Chacun exprime son ressenti… Chacun choisit son vélo, ses freins. C’est clair que c’est une énorme malchance, mais la compétition est ainsi faite. Quand ça m’arrive, je ne vais pas me plaindre. Je suis satisfait de ma course au Mondial, j’ai également subi beaucoup d’aléas mais c’est comme ça. Tu dois te battre jusqu’à la dernière zone et voir qui finit par l’emporter. Il n’y a pas de deuxième chance. Je parle en général, on doit se battre tout au long de l’épreuve. Mais je suis sûr que, parmi les trois premiers, aucun n’est totalement satisfait de sa course. Pour telle ou telle raison, on a tous commis des erreurs ; on ne peut pas dire « ici, il y avait 5 points de moins ou 3 ».
Quelles étaient tes sensations au cours de la demi-finale ?
A vrai dire, la demi-finale, je l’ai mal attaquée. On était trois à repérer la zone mais aucun d’entre nous n’avait vu la petite flèche ; je prends donc un 5 d’entrée car j’étais sorti de la zone. J’ai commencé comme ça et, petit à petit, j’ai commencé à sortir les zones. J’ai juste eu un souci avec un commissaire, le même qu’en finale, à propos d’un 5 litigieux, mais bon. Le fait qu’en demi, tu ne saches pas très bien où tu en es, est un peu compliqué, mais je me souviens que j’ai réussi à sortir pas mal d’obstacles. Il y avait deux endroits à assurer, précisément là où je n’avais pas vu la flèche : un latéral du mauvais côté, pas très propre et un passage en équilibre sur des troncs. Comme j’avais des points d’avance, j’ai préféré assuré et posé un pied. Je ne me souviens pas vraiment des points que j’avais. L’an dernier, j’avais roulé devant Dani et Abel ; cette année, j’ai attendu un peu plus pour savoir comment ça allait et combien je devais faire pour finir premier de la demi et partir en dernier lors de la finale. La demi m’a semblé un peu longue, on est plus habitués à faire 2 tours et non 3, mais bon, le format évolue bien.
Et la finale ?
C’était un peu étrange, les zones étaient un peu changées et certains passages étaient bizarres. Et puis cela se passait de nuit, il y a eu cette session d’échauffement où on était quelque-uns à nous entraîner sur quelques rochers posés dans un fossé, éclairés seulement par les phares de 3 ou 4 voitures. Puis je me suis dirigé vers le centre- ville pour m’échauffer comme j’ai pu. J’entame la finale confiant et motivé. Les deux premières zones se déroulent à peu près comme prévu, mis à part qu’on me met 2 points pour des effleurements. J’ai compris que sur ces zones aussi tordues, ça se passerait comme ça et, effectivement, dans la zone 3, je tente le passage compliqué et le commissaire me met un 5 sévère. Les choses se sont compliquées ; sur la zone 4 (Motorex), je prends le seul 5 dû à une erreur de pilotage : je n’ai pas été capable de passer une buse ronde qui se trouvait en début de zone ; je le travaille pourtant à l’entraînement. Dès lors, cela devenait vraiment difficile. Les zones 5 et 6, je les passe plutôt bien, avec seulement un pied de plus que prévu.
Je reprends une bonne dynamique, malgré les erreurs et j’entame le second tour optimiste. Une erreur en début de la première zone m’occasionne un 3, au lieu du 1 prévu. Sur la zone 2, c’est le moment le plus tendu de la compétition à cause d’une décision injustifiée du commissaire. Quel que soit l’endroit d’où tu regardes, le 5 que je prends est absurde. J’ai tenté de convaincre le commissaire mais celui-ci était trop orgueilleux pour reconnaître son erreur, et devant autant de public. Je n’étais pas dans l’axe et j’ai sauté sur le côté, dans le couloir. Il n’y avait pas de flèches rouges ni rien, j’allais enchaîner la fin de zone. Le commissaire me met un 5. Il me dit que j’avais survolé le piquet etc. mais moi je lui disais que c’était impossible sinon je serais tombé. Sur une vidéo, bien qu’on ne puisse pas juger correctement, on voit que le commissaire qui lève la main, c’est celui qui est à l’autre bout de la zone : comment peut-il voir ces deux centimètres depuis l’autre bout de la zone ? Te mettre un 5 à la légère… si ça avait été un commissaire sans expérience… En plus, celui qui se trouvait du bon côté, et donc celui susceptible de me mettre un 5, regarde l’autre commissaire pour savoir ce qui se passe. Il n’y a rien eu à faire pour le raisonner. La seule chose que j’ai pu faire, c’est affronter la situation et regarder devant. Je ne voulais pas prendre de nouveaux risques, j’assure donc sur le passage délicat de la zone 3 (1 point). Sur la 4, je roule bien et je sors l’unique 0 de la finale. Il me restait deux zones et la fatigue commençait à se faire ressentir. La fin approchait et ça devenait tendu. Dans la zone 5, je passe les deux premières grosses difficultés à 0, mais je me déséquilibre sur les suivants et pose 2 pieds. Avant d’entrer dans la dernière zone, je savais qu’Abel avait fait 1 dans la 5 : si je faisais 4, j’étais Champion du monde. Comme j’avais fait 1 au premier tour, cela ne me paraissait pas trop compliqué. Mais en assurant ce pied, j’ai perdu l’équilibre et je suis tombé ; j’étais déçu car j’aurais pu gagner la course dès ce moment. Mais, de toute façon, pour qu’Abel l’emporte, il aurait fallu qu’il sorte à 0, ce qui n’était pas une mince affaire. Finalement, il sort à 4 et je peux fêter mon neuvième titre mondial !
Abel s’est plaint qu’il y avait beaucoup de passages pour les gauchers, notamment en demi-finale. Qu’en penses-tu ?
C’est sûr que certains passages étaient favorables aux gauchers. Ce qui se passe, c’est qu’ils sont habitués à ce qu’il n’y ait pratiquement rien. Je me souviens de passages dans le Mondial qui étaient difficiles aussi pour moi. Le pied que j’ai assuré dans la demi était très difficile pour les droitiers. Mais la vérité, c’est que je ne me rappelle pas de passages extrêmes uniquement réalisables par un gaucher, aussi bien en demi qu’en finale. Il y avait aussi des passages médiocres pour les gauchers, mais rien que tu ne puisses pas faire.
Pour ce Mondial, tu as roulé sur un Sky optimisé. Qu’avait-il de particulier ?
On va dire que mes vélos « spéciaux » sortent de mon imagination et sont le fruit de nombreuses heures de travail. Juan m’aide beaucoup quand ça devient compliqué. A chaque vélo sur lequel nous travaillons, on essaie d’aller plus loin dans la légèreté, les détails, les finitions… Et, au final, c’est un bike encore plus efficace et léger que le précédent. Le Sky du Mondial pesait 6.850 kg réels, prêt à rouler en compét’ sans problèmes. Sur ce modèle, c’est le cadre qui était nouveau : un proto du futur modèle de série (que l’on a pu voir aux K-124 Days en avril). Les freins également, qui sont de mon initiative. Et puis, c’était la première fois que je retaillais les crampons de mes pneus, afin de les alléger et améliorer leur rendement. Je ne pourrai revenir en arrière, pour rien au monde ! Enfin, c’est une somme de petits détails : limer, recouper, ajuster, rechercher les meilleurs composants…
Après le Mondial, il te restait la finale de la Coupe du Monde. Tu peux nous parler de cette épreuve, l’une de celles qui aura suscité le plus d’émotions, ces dernières années ?
Oui, la finale a été très belle. Avant d’en parler, je voudrais rappeler qu’il y a eu 4 manches auparavant, dans lesquelles je n’étais pas à mon meilleur niveau, à cause de mon genou. Peu d’entraînement et petite forme. C’est un facteur que j’ai dû gérer, je savais qu’il fallait que je progresse tout au long de l’année et que j’allais devoir donner le maximum en fin de saison pour rattraper mon retard. On est arrivé à 3 pilotes presque à égalité à la finale ; le système de points de l’UCI nous permettait à tous les trois de l’emporter. Pour moi, c’était soit gagner soit finir sur la troisième marche du podium.
La lutte fut belle car, jusqu’à la dernière zone, c’était indécis. Abel partait derrière moi et c’est au deuxième tour de la finale qu’il prend l’avantage. Je commençais la Super Finale avec un désavantage mais finalement, ça a plutôt bien commencé, comme d’habitude cette saison. Je sors la première à 1, score minimum avec un gros passage très difficile. Je sors les autres à 0 et dans la dernière, j’étais à 0 aussi mais j’ai dû m’y reprendre à 3 reprises sur un franchissement. Il y avait un tronc à passer en latéral avec un équilibre précaire. Je m’y suis repris plusieurs fois et je finis par mettre un appui pédale. Je ne voulais vraiment pas le poser celui-ci. Je sors de la zone avec une pénalité de temps, avec 2.5 points. Ce qui est clair pour moi, c’est que j’ai échoué quand j’ai pris un 5. C’est la course, Abel aussi a eu un souci en zone 1, c’est le trial. Je suis content parce que j’ai fait une bonne compétition, parce qu’avec toutes les histoires qu’on a raconté, comme quoi le Championnat du Monde m’a été offert, on a vu sur la finale de Coupe du Monde du grand trial.
C’est clair qu’un titre de Champion du Monde n’est jamais donné et qu’il faut être au top pour cette compétition.
Oui, mais au-delà de ça, être deuxième est un mauvais résultat ? Je suis content d’avoir gagné, le niveau était très relevé. Il y a des imprévus mais il semble que je n’ai rien fait pour gagner. Je suis satisfait car, après un début de saison compliqué, j’ai fini avec un bon niveau, sur les Coupes et les Super Finales. Cela s’est joué à 2 ou 3 pieds près, ce n’est rien. Il n’y a qu’à Anvers que j’ai réussi à gagner avec un écart conséquent. Mais regarde tous les classements, c’est très serré entre les trois premiers. On a tous les trois très bien roulé, seul Vincent a semble-t-il connu une baisse de régime. Je pense que c’était au niveau du mental mais il a décroché un peu.
A ce propos, tu penses que Vincent a gagné ce qu’il a gagné parce qu’Abel et toi n’étiez pas au top ? Quand vous avez retrouvé votre pic de forme, il n’était plus dans le coup. Tu crois que c’est une question de niveau ou de mental, comme tu l’as dit ?
Je ne sais pas trop. Je l’ai vu s’entraîner et, pour moi, ce n’est pas une question de niveau. Au Mondial, je l’ai vu prendre des 5 qui n’étaient pas une question de niveau. Peut-être par manque de concentration, je ne sais pas. Pour ma part, je ne pouvais que m’améliorer au fil de la saison, c’est pour ça qu’on s’entraîne tout l’hiver. Je suis convaincu que Vincent possède un gros niveau et que quand il se sera vraiment adapté à la catégorie, il va nous faire la guerre… D’ailleurs, il a déjà commencé ! Il est arrivé en leader à la dernière manche de Coupe du Monde. Je ne pensais pas qu’il serait aussi prêt et il nous a surpris dès le début de saison. On s’est habitués à voir Vincent en tête mais conserver le leadership, ce n’est pas facile. Lui comme moi, une fois que l’épreuve est perdue, tu te laisses aller un peu plus. Je suis surpris qu’il roule aussi bien en 20 pouces. Il est à peu près à mon niveau. Mais, les choses se compliquent et s’entraîner, c’est une chose, la compétition en est une autre. C’est comme dire combien tu franchis en latéral : ce n’est pas pareil en compétition ou dans la rue avec les potes. En compet’, il n’y a pas de deuxième chance et c’est cela qui est difficile.
On avait discuté pendant le Championnat d’Espagne. Tu ne savais pas si tu serais à 100%, à cause de ton genou. Et finalement, tu remportes à la fois le titre national et le titre mondial. Que penses-tu de ta saison ?
Pour moi, les objectifs sont largement atteints. J’étais conscient que ce serait dur et mon objectif était, comme je te l’avais dit à l’époque, le Mondial. Sachant que j’étais diminué, si j’avais eu le choix, j’aurais sans conteste choisi le Championnat du Monde. Je suis donc très satisfait.
Tu te demandais si une 2ème place était un mauvais résultat. Et, en effet, quand on voit le niveau que vous avez, vous les trois pilotes de tête, on a l’impression qu’à part la victoire, le reste n’est pas satisfaisant. Le public attend beaucoup et on n’est, en quelque sorte, pas « habitués » à ce que l’un d’entre vous connaisse un échec. Cela te gêne ?
Oui, ça me gêne. Par exemple, maintenant, il y a Vincent. Et puis, il y a aussi Ion, Rick ou Kazuki qui sont là et qui jouent aussi le podium. Nous nous exposons à ce que le public s’habitue à nous voir devant et, du coup, on a moins droit à l’erreur. Mais j’invite le public à réfléchir sur ce qu’est une finale ou une Super Finale. C’est très difficile. Cela demande beaucoup d’efforts à l’entraînement et rester au top tout le long de la saison réclame beaucoup d’énergie. Cela fait maintenant pas mal d’années que je suis là et j’espère me maintenir encore. Je me sens bien quand je suis en compétition. Mais je crois que tous, nous avons beaucoup de mérite d’être à ce niveau, surtout quand on sait la façon dont on est récompensé dans ce sport. Je pense qu’on donne plus que ce que l’on reçoit.
C’est une question qui revient tous les ans : quand est-ce que tu passes au 26 ? Et puis, quand tu sentiras que le niveau commence à baisser, penses-tu continuer à courir ou bien es-tu du genre à ne pas rouler juste pour le plaisir ?
J’espère continuer à répondre à cette question encore de nombreuses années (rires). Je veux prendre du plaisir à rouler mais j’ai vraiment peur de perdre ces sensations. Quand tu travailles beaucoup, la satisfaction que tu en tires est double. Tu t’entraînes à fond, tu roules en compet’ et quand tu gagnes, tu es satisfait au plus haut point. J’ai peur de ne pas savoir vivre sans cette sensation, sans aller à l’entraînement et revenir heureux car mon niveau aura augmenté. Ce n’est pas vraiment une crainte mais bon, j’ai peur que ma vie ne soit différente sans cette composante. Je le dis toujours à mon suiveur Andoni, quand je passerai sur un 26, ce sera avant tout pour m’amuser. Mais je me sens encore capable de poursuivre sur mon élan. Pour moi, le 26 est plus « doux » et le 20 plus explosif. Quant à rouler en compét’ en 26, eh bien, je me sens mieux avec mon genou comme j’ai trouvé les gens qui ont trouvé la solution pour le soigner, et je pourrai peut-être jouer le mondial en 26, nous verrons. Mais ma préférence restera toujours le 20 pouces.
La saison est pratiquement terminée. Qu’attends-tu de la prochaine ?
Si la saison prochaine est comme celle-ci, alors je serai satisfait. Je pensais que je ne pouvais pas y arriver, même en m’entraînant beaucoup, alors tu imagines ma satisfaction… J’essaierai de gagner tout ce que je pourrai.
Koxx va sortir des nouveautés révolutionnaires ?
Je ne pense pas, à part ce qui était déjà en projet, comme ce Sky sur lequel je roule ou bien les accessoires que vous avez pu voir lors du round 1 des K-124 Days. Koxx a toujours eu en tête de faire une compétition en deux épreuves et ils ont profité de l’opportunité de l’ouverture du K-124 Land pour faire un round 2. Un site d’entraînement à côté des locaux Koxx…
Penses-tu que les Koxx/K-124 Days ont perdu de leur attrait depuis qu’il n’y a plus les sessions Street à Paris, par exemple ?
Oui, ça a beaucoup changé. Je suis triste de voir que c’est toujours plus axé sur la compétition. Avant, j’y allais pour m’amuser et aujourd’hui, c’est une compét’ de plus. C’est comme une Coupe du Monde, la veille tu es stressé, sur les zones, tu es stressé… Avant, je me levais avec des courbatures parce que la veille, je m’étais arraché sur les murs ou que j’avais roulé à Buthiers les jours précédents la course. Je me souviens d’être arrivé à la compétition complètement mort, d’avoir fini au fond du classement mais bon, pour moi, ça m’était égal. Mais aujourd’hui, c’est la compétition uniquement.
C’est aussi ce que nous croyons, en quittant l’ancienne formule, on a perdu beaucoup ! C’était chouette de voir du street puis du naturel…
Avant, quand on n’avait pas encore tous ces moyens de communication, j’essayai de transmettre ce qui existait. On était une bande de copains, on s’entraînait ; il y avait des vidéos de Paris, des gens qui venaient… Pour moi, la compétition est aujourd’hui plus intéressante mais le reste avait du bon également…. C’est comme si les organisateurs s’étaient fixés de plus en plus sur la compet’ et ainsi, petit à petit, l’événement s’est transformé. On a laissé le côté festif de côté. Il y avait beaucoup de pilotes qui étaient présents pour rouler ensemble, parfois 30 ou 40. Pour moi, ce qui incarnait le plus cet événement, c’était les jours qui précédaient, pas les Koxx Days eux-mêmes. Mais les organisateurs ont mis cet aspect de côté.
Tout le monde est revenu au full HS et toi, tu continues avec un disque. Pourquoi ?
Eh bien, je ne vais pas renoncer à un frein d’une puissance aussi incroyable. Je sais qu’il possède deux points faibles : le poids et les chocs que le frein peut subir. Pour ce qui est du poids, je travaille sur l’ensemble du vélo pour atténuer ce handicap et les coups, j’essaie d’en prendre le moins possible. Je sais que les droitiers sont plus désavantagés mais les latéraux types cubes, où tu peux taper ton disque, sont plutôt rares. A part ça, quand le disque freine bien, rien n’est plus résistant.
Il semble qu’aujourd’hui, le trial, ce soit tout ON/OFF…
Le frein à disque me convient très bien parce que mon style était brusque et il m’a adouci un peu. Je sais que le profil des zones est plutôt ON/OFF mais si je veux, le freinage disque peut l’être aussi. Mais, je garde l’avantage de la progressivité. Quand tu es un peu juste, le disque tient tandis que le HS doit être parfaitement positionné et réglé sinon, il lâche.
Que penses-tu de la saison de Gilles ? On peut dire que sa domination a été insolente.
Oui, elle a été insolente mais en faisant une comparaison avec le 20 pouces, on enlève Vincent et Abel. Ce serait la même situation. Gilles est une machine. Mais quant aux propos que j’ai entendus, tu ne peux pas faire de comparaisons ; le 20 et le 26 sont deux choses bien distinctes. C’est clair que Gilles est un compétiteur hors pair ; je ne me focalise pas sur la hauteur qu’il peut franchir mais sur la façon qu’il a de rouler en compétition. Il est vraiment sur des rails. Ce qui a manqué cette année, si tu veux des noms, c’est Kenny et Vincent. Mais ils étaient un peu en retrait, du coup Gilles s’est promené. Il a beaucoup de mérite car il continue sur sa lancée et parvient à se motiver et ce sans adversaires directs, ce qui est très difficile.
Peut-être qu’il s’ennuie. Si jamais il passait au 20 pouces, ce serait la lutte la plus excitante de ces dernières années, avec 4 pilotes de haute volée dans la même catégorie…
Cela me fait rire car on disait la même chose de moi il y a trois ans. Chacun doit rouler dans la catégorie qui lui convient le mieux. Gilles, c’est le 26 et moi le 20. Qu’il ait essayé et aimé le 20 me paraît une bonne chose, tout comme moi le 26. Mais nous n’exprimerons le maximum de notre potentiel qu’avec nos vélos respectifs. Il faut trouver une ardeur dans le dépassement de soi, comme je l’ai fait cette année. Pour Gilles, il lui serait plus difficile de la trouver car, même en ne s’entraînant pas pendant 3 semaines, il va tout déchirer. Pour moi, il a encore plus de mérite parce qu’il réussit à se motiver, sans la présence de rivaux. Et c’est très difficile à faire. Mais je ne pense pas qu’il passera un jour au 20 pouces, je l’identifie trop bien au 26.
Un pilote venant du 26 qui passe au 20 pouces peut être aussi compétitif qu’un pilote qui fait le chemin inverse ?
Vincent nous a tous surpris. Avant, je t’aurais dit qu’il était plus facile de passer du 20 au 26 mais plus maintenant. Gilles a démontré l’an dernier qu’il avait le potentiel et Vincent l’a prouvé aussi. C’est là qu’est la différence. Les 3 ou 4 pilotes en tête de chaque catégorie peuvent être bons et ce quelle que soit la taille des roues, 20 ou 26. C’est très difficile de changer de catégorie mais le mode d’entraînement des professionnels ou des pilotes de haute compétition fait qu’aujourd’hui ils peuvent rouler fort dans chaque catégorie.
Il y a eu une petite polémique au sujet de la retransmission des épreuves de Coupe du Monde à Anvers. Que penses-tu du fait que seul le 26 ait été retransmis ?
A ce sujet, je peux utiliser l’expression « chacun pour soi ». C’est Kenny qui organise et il met donc en avant ce qui l’intéresse le plus. Franchement, les caméras et les moyens techniques sont là et ça ne coûterait rien de retransmettre le 20 pouces, au lieu que ce soit uniquement diffusé en différé sur les sites internet. Tu ressens une certaine frustration quand tu es sur le point de démarrer ta finale ou ta demi-finale et que tu vois que tout est en train d’être démonté… Tu te dis : « Ok, tout est fini ». Je pense qu’à défaut de retransmettre en direct le 20 pouces, il faudrait au moins le filmer. Ce serait bon pour tout le monde.
Comment as-tu fini la saison avec ton genou ? Tu penses pouvoir récupérer totalement ?
C’est l’objectif. Le point positif, c’est les personnes que j’ai rencontrées et le point négatif, c’est que Rafa Nadal a le même problème que moi et qu’il n’arrive pas à s’en remettre. La personne que j’ai contactée est un ancien kiné qui m’a soigné d’une tendinite, un jour. Maintenant que la saison s’achève, je vais voir comment cela évolue et faire le maximum pour récupérer. On m’a dit qu’il y avait de bonnes chances que je m’en remette, alors j’y crois.
Avant, Abel était, en quelque sorte, ton élève. Maintenant qu’il roule pour une autre marque, vos relations ont changé ?
Avec Abel, on a passé beaucoup de temps ensemble, on a vécu de grands moments, des moments qui ne se répèteront pas et c’est comme ça que j’envisage mes relations avec les gens que j’apprécie. Mais il semble que ce n’est plus sa façon de voir les choses. On suit maintenant chacun notre propre chemin. Les excuses que l’on veut se donner comme motifs ne sont que ça, des excuses. Aujourd’hui, on a une relation de respect mutuel. La logique et la nature veulent qu’un jour, il me dépassera ; ce ne sera pas étonnant mais je continuerai à lutter du mieux possible. Comme tu le sais, cette saison a été compliquée pour moi mais j’ai réussi à atteindre mon plus gros objectif. J’espère offrir encore le meilleur de moi-même l’année prochaine.
Le trial est un sport individuel, mais derrière les grands champions il y a toujours une équipe. Quels sont les gens qui sont derrière le grand Benito Ros ?
Avant d’être mon équipe ce sont mes amis, ceux en qui je peux vraiment avoir confiance. Ce sport m’a permis de rencontrer des gens avec qui j’ai de très bonnes relations, ce sont eux qui m’ont aidé à être dans les meilleures conditions pour affronter chaque compétition. Parmi les plus importants à ce stade, c’est certainement la famille Patrizi, qui m’a été d’un grand soutien pendant les compétitions mais aussi en dehors. Merci beaucoup à toute la famille ! Celui qui m’a aussi beaucoup aidé, quand il le pouvait, c’est mon ami de toujours, Andoni, qui m’a permis de tirer le meilleur de moi-même quand je suis sur le vélo, et m’a beaucoup aidé sur les compétitions. Bien sûr, je n’oublie pas Mariam, est qui est toujours là pour tout. Et enfin, je tiens également à remercier tous ces gens qui m’ont apporté leur soutien, soit en personne, par téléphone, e-mail ou facebook... Cela a été très important pour moi de sentir cette poussée. MERCI



Il y a aussi tout un village derrière toi, qui a même donné ton nom à une rue ? Cela a dû être quelque chose de grand pour toi...
Bien sûr, faire partie de l’histoire de mon village est un grand honneur pour moi, et cet événement a eu lieu deux jours après que j’ai remporté le Championnat du Monde, c’était donc une double célébration. Je suis très reconnaissant à mon village, qui de cette manière m’a témoigné la plus large reconnaissance qui soit à ma longue et fructueuse carrière sportive.
Pour finir, tu peux nous parler un peu de toi ? A quoi occupes-tu ton temps libre ?
J’aime les motos, j’en ai deux mais l’une d’elles est en panne. En hiver, j’aime prendre une semaine pour skier, même si ça fait deux ans que je ne l’ai pas fait, à cause de mon genou. Depuis peu, je m’intéresse de près au VTT…
Et en matière de livres, de cinéma, de musique ?
Actuellement, il n’y a pas de livre sur ma table de nuit. Au cinéma, j’aime les films qui me font rire. Pour la musique, j’écoute la radio mais j’aime aussi la techno, l’électro…
Merci beaucoup Benito, pour ton temps et ta sincérité. Cela a été un plaisir pour nous de réaliser cette interview de fin de saison. Bonne chance pour 2013 !
Merci à vous pour votre soutien !