Anvers a été indéniablement un des temps forts de la Coupe du Monde. Ce week-end a été comme l’an dernier riche en émotion, amenant de nouveau le trial au cœur de l’une des plus belles villes d’Europe, cette fois-ci au pied de son magnifique château médiéval. Au manettes de l’évènement, Kenny Belaey himself, qui avait deux casquettes : celle d’organisateur et celle de pilote. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a parfaitement tenu ces deux rôles ! Il nous a offert une Coupe du Monde très spectaculaire, applaudie et médiatique et il a comme toujours été redoutable sur le vélo. Le Champion de Belgique, d’Europe et du Monde était bien sûr l’un des grands favoris de la course. En tête des qualifications le premier jour après avoir réalisé un trial parfait, il est pénalisé le lendemain par une crevaison et termine sur la troisième manche du podium. Il nous a accordé quelques minutes après sa course pour faire le point sur ce week-end très intense et nous parle de ses projets en matière d’organisation pour 2012. On a parlé avec lui-aussi de ce garçon qu’il considère lui-aussi comme un des grands de demain, le jeune Britannique Jack Carthy, qui était son invité à Anvers...
Interview :
Alors Kenny, je pense que tu dois être satisfait de ce week-end n’est-ce pas ? C’est une réussite !
Oui vraiment ! Déjà avant de rouler j’étais content ! Il a fallu beaucoup de boulot pour trouver les sponsors, pour payer tout, les gens qui travaillent, la production de télé, tout cela coûte une fortune. Et puis il a fallu pouvoir obtenir la permission d’être ici, sur ce site, et cela n’a pas été chose facile. Il a fallu beaucoup de discussion avec la ville pour réaliser ce projet.
Oui tout cela a dû demandé beaucoup d’énergie !
Hé bien oui j’ai travaillé des heures et des heures pour réussir à mettre en place tout cela. J’ai travaillé sur ce projet depuis le mois d’octobre pour que tout soit réglé dans les moindres détails ! Les petits autocollants que tu vois là, toute la promo de l’évènement, l’écran géant qui est au pied du château, il a fallu beaucoup de temps pour concrétiser tout cela, petit à petit !
C’est vraiment énorme ce que tu as fait, tu as géré cela tout seul ? Ta famille était très présente aussi ce week-end, notamment ton père et ta copine. Ils ont dû aussi t’épauler ?
Cette année, c’est moi qui ai tout géré ! Ma famille est à mes côtés depuis une semaine pour les derniers préparatifs, mais tout le reste, c’est moi. Même le site internet, c’est moi qui l’ai réalisé. Mon père bien sûr a commandé les matériaux pour les zones, que je lui ai payé.
Auparavant, la mise en place et la gestion de l’évènement était confiée à une société spécialisée dans l’événementiel, mais on a eu beaucoup de problèmes, ils n’ont pas été corrects . Ils ne payaient pas les fournisseurs, ils n’ont pas payé mon père. Tout le monde venait se plaindre chez moi. La tribune de la Grant’Place n’avait pas été payé. Les organisateurs étaient toute la journée à la terrasse entrain de boire des bières. Bien sûr tout cela n’a pas plu à l’UCI qui est venu aussi se plaindre à moi. Alors j’ai décidé de prendre les choses en main moi-même, même si je sais bien que ce n’est pas normal que ce soit un athlète qui organise une course !
Bon en même temps, ce n’est pas toi qui trace les zones, et tout cela se fait sous l’égide de l’UCI !
Oui exactement, les zones, ce n’est pas mon job ! Moi c’est le marketing, payer les factures, commander tout ce qui est autour de l’évènement pour lui donner une visibilité optimale. Mon boulot c’était ça ! Et ce qui était formidable pour moi c’est qu’après 20 ans de show, j’ai pu rencontrer Red Bull, Adidas, et cela m’a ouvert des portes. A chaque fois que je partais à la quète de sponsors, ils me répondaient favorablement... « Ok pas de problème, on vous suit ! »... C’est incroyable.
C’est formidable de voir comment tu arrives à amener dans le trial de tels partenaires et les médias !
Oui c’est quelque chose d’important pour le trial. Tu vois le bateau VIP que l’on a loué par exemple et qui était au pied des zones 1 et 2 a bien marché et il y avait de grosses sociétés présentes, comme Moviestar. C’est très très cher, mais c’est important pour le sport. Tu vois le trial a toujours eu l’image d’un sport marginal, mais moi ne je suis pas d’accord avec cela. Il ne faut pas s’y résoudre. Quand tu vas voir de gros sponsors, quand tu vas là où il y a beaucoup d’argent, tu peux vraiment faire des trucs mieux qu’avant. Le jeu en vaut la chandelle. Mais il faut savoir aller chercher les sponsors. Au début, je te l’avoue, j’ai dû mentir un peu. Au début je me rappelle quand j’ai fait mes demandes, on m’a posé la question « Il y a beaucoup de monde sur les coupes ? » et j’ai répondu « Oui, 10 000 personnes ». J’aurais répondu une centaine, on m’aurait dit « C’est un sport de rien »... Il y a dix ans quand on me demandait « Vous êtes tous professionnels dans votre sport ? », je répondais « Oui, bien sûr, » mais non, la plupart des pilotes faisaient autre chose à côté. Mais cela change leur approche ! C’est ça qu’il faut faire ! Il faut sortir de l’idée que le trial est un petit sport qui n’intéresse personne, quelque chose de pourri... Je pense qu’il faut donner aux gens qui peuvent investir dans notre sport l’envie de le faire. C’est cela l’idée que je défends.
Oui c’est important que les pros comme toi fassent avancer notre sport ! Les pros, vous avez un rôle aussi important que les écoles, les fédés, les marques...
Oui il faut avancer sur tous les plans. Notre sport a un énorme potentiel. Il n’y a qu’à voir l’intérêt que cette Coupe du Monde a suscité aujourd’hui auprès du public...
Tout à fait, les finales 26" comme 20" ont eu un immense succès auprès du public, c’était vraiment très intense, il y avait un monde fou et une grosse ambiance !
Oui cela a super bien marché ! L’an prochain, je vais faire deux Coupes du Monde, une dans ma ville à Aalter au début du mois de juin, et une ici !
Excellente nouvelle ! On dirait que le trial commence vraiment à percer en Belgique... On te voit de plus en plus dans les médias, aussi bien sur le net qu’à la TV ou les journaux !
Oui, le public belge commence vraiment à se sensibiliser au trial et c’est une très bonne chose. Le fait que je sois dans la pub Adidas aux côtés de Messi et Beckham a changé les choses... J’étais mis sur un pied d’égalité avec eux dans les journaux belges, et maintenant Kenny Belaey et le trial sont perçus autrement... "C’est un vrai professionnel", "C’est un athlète qui travaille beaucoup", "C’est un sport physique", "Le niveau est haut parce qu’il a un gros palmarès mais il n’a pas gagné aujourd’hui, il n’est pas seul" C’est cela qui est bien aussi. Je me souviens qu’à une époque j’avais gagné les deux derniers championnats du monde et les gens disaient "Ah, il n’y a pas le niveau en face"... Mais non, c’est un sport où il faut se battre, il y a Gilles, Vincent, Giaco’ et il ne faut rien lâcher... C’est comme aux fléchettes, tu tires dans le mile une fois, deux fois, trois fois, et si après tu es à côté tu as perdu parce que les autres sont aussi bons que toi. C’est ça le trial aujourd’hui !
Oui c’est vrai que vous êtes une poignée de pilotes à porter le trial vers le haut, toi, Gilles, Vince, Giaco’, les "Super Elites"... Vous tirez la discipline vers le haut d’un point de vue sportif depuis quelques années, c’est très impressionnant !
Oui, je pense qu’aujourd’hui on a fait une bonne publicité à notre sport ! La course était d’ailleurs retransmise en live sur le plus grand site sportif de Belgique, Sporza !
C’est fabuleux, une retransmission en live d’une Coupe du Monde, on avait encore jamais vu cela ! Toute l’organisation de cette Coupe, cette finale qui était très physique, on voit que tu es crevé là ! Comment cela s’est passé cette finale ?
Oui j’ai tout donné. Ce n’est pas facile d’organiser et de rouler, c’est très éprouvant, et c’est beaucoup de choses dans la tête en même temps. Pas facile à gérer. Et il y a toujours des problèmes de dernière minute ! Vendredi soir, ma copine s’est fait piquer son sac avec mes clés de voiture où il y avait mes vélos, avec mon portable, ma carte bancaire, juste avant les qualifications. Ce n’était pas bon pour démarrer. Aujourd’hui, j’étais bien, comme au Canada... Bien préparé, un bon feeling, et sur le vélo j’étais sûr de moi, physique OK, explosif, précis, tout ! Et puis il y a eu cette crevaison...
Oui elle t’a pénalisé on l’a vu sur la seconde moitié du dernier tour. La roue se dégonflait encore après la réparation !
Oui tout le temps, mais il n’y avait pas que cela... J’ai crevé, j’ai réparé, et après quand tu changes le pneu tu as un peu de poussière de chambre à air qui va sur la jante et cela ne freine plus suffisamment... Du coup, quand tu fais un transfert sur la roue avant, cela ne freine plus, le vélo descend et tu mets un pied ! Les deux pieds que j’ai posé dans la dernière zone sont dûs à un problème technique et ils m’ont fait perdre la course. Si je n’avais pas posé ces pieds, je gagnais au vu du score de la veille. Tout était OK, mais aujourd’hui il y a eu des petits trucs qui n’allaient pas quoi... Je n’ai pas eu souvent des problèmes techniques dans ma carrière. J’avais choisi de monter cette fois-ci un pneu ultra-léger à l’avant, 450 grammes, et aussi une chambre allégée, c’est peut-être ça aussi mon erreur.
Ah oui une chambre super light de 80g ? Cela ne pardonne pas l’erreur ça !
Oui voilà, j’ai fait un mauvais choix. Je ne peux m’en prendre qu’à moi-même.
Sinon, il y a un garçon qui nous a fortement impressionné aujourd’hui. Il ne participait pas à la compétition, mais on l’a vu rouler aujourd’hui et... c’est de la folie pure ! Le Champion du Monde Cadet Jack Carthy ! Tu as passé un peu de temps avec lui il y a quelques jours, vous vous êtes entraîné ensemble chez toi à Aalter... Que penses-tu de lui ?
Hé bien écoute il nous a bluffé ! Le truc qui m’a le plus impressionné, c’est cet énorme transfert de trois mètres que j’avais du mal à passer il y a deux ans, et il me fallait quelques essais pour le faire. Il est arrivé, il l’a à peine regardé et il l’a passé avec une facilité !!! Il y avait aussi ce deux-coups négatif à 1m60 qui est très technique, il a pris un peu plus d’élan que moi mais il l’a monté sans problème ! Et il n’a que 14 ans, il a 15 ans dans quelques jours ! C’est affolant. Franchement, Jack Carty est le prochain Champion du Monde. C’est certain. Je me reconnais un peu en lui, il y a le feu en lui... Comment t’expliquer ? Quand il est aux côtés des meilleurs mondiaux, il les regarde, il se dit « ok il est bon, mais je peux aller le chercher »... Comme moi avant quand je voyais Cesar Canas et Ot Pi, tu comprends ? C’est la même chose... Tu te dis « ok il est trop fort, beaucoup plus que moi, mais j’essaye, je prends les mêmes lignes ! » Tu vas voir, si ce garçon n’a pas de problèmes physiques, il va être là ! Quand il va avoir 18-19 ans, Gilles, Vincent et moi, on va souffrir !
La relève arrive !
Oui et c’est bien pour le sport ! C’est grâce à des gens comme ça que le trial va continuer... C’est bien pour les organisateurs aussi dans le futur, de voir des pilotes comme ça qui arrivent ! Plus tard, je veux faire plus d’événementiel comme çà et il nous faudra des garçons comme lui !
Merci Kenny et bravo pour ce formidable week-end ! Top organisation, site magnifique, tu nous as bien fait vibrer aussi sur les zones, un grand merci, bonne continuation et à bientôt !
Merci à vous et à bientôt ! Et un grand merci à tous les bénévoles de notre international Trialteam, à ma copine, mon père et ma famille pour leur support, parce que sans toutes ces personnes-là, il n’y aurait pas évènement du tout !
Retrouvez d’autres magnifiques clichés de Kenny Belaey et des autres élites lors des finales des Coupes du Monde d’Anvers dans la galerie officielle de l’évènement !