Si, comme nous, vous aimez taquiner régulièrement les singletracks trialisants au guidon de votre VTT, alors on vous a déniché ce qui ressemble bien au spad idéal. Il est gris mais c’est un Rose. Le « Tusker », fat bike de la marque allemande avec pneus de 4’’ et fourche carbone maousse !
Le fat bike est né du snow et du sandbike mais s’est ouvert, depuis quelques années, de plus larges horizons. Développé à l’origine pour les contrées enneigées d’Amérique du Nord et les déserts arides de sable fin, le fat est vite devenu un créneau exploité par tous les grandes marques de cycles, chacune d’entre elles y allant de son modèle. Phénomène de mode ? Un peu, mais pas que : hors des pistes enneigées ou ensablées, le fat bike propose une vraie efficacité dans les sous-bois et une autre façon de piloter !
Et si le fat était LE bike ultime pour celui qui cherche un engin ludique, simple et capable de s’envoyer de temps en temps des petites sessions orientées trial ? A voir des virtuoses comme Rick Koekoek, Pat Smage ou Chris Akrigg faire parler le style sur leurs spads à gros boudins, on se dit qu’il y a moyen de bien s’éclater sur un fat, en « interzone » comme dans les sections trialisantes. C’est le postulat de départ que l’on s’est posé à Tribal Zine...
1 – Rose et son Tusker
Pour commencer, quelques mots sur cette société Rose, que beaucoup d’entre vous découvrent peut-être avec cet article. Elle figure aujourd’hui parmi les grands noms de la vente de vélos sur internet, mais n’est pas née de la dernière pluie. Rose a débuté son activité dans une boutique ouverte en 1907 à Bocholt, ville de Rhénanie située au nord ouest de Dortmund. Cette société allemande a depuis poursuivi son développement jusqu’à proposer une excellente alternative aux leaders mondiaux du marché du cycle, avec une large gamme, allant du city bike au bike de DH. Avec des produits au caractère bien trempé et la possibilité pour les clients de se monter des bikes à la carte via des « concept stores », online ou non, permettant toutes les extravagances. Le « Biketown » ouvert à Munich s’est ainsi vu décerné l’an dernier le prix de « Store of the Year Award ». En France aussi, ils sont de plus en plus nombreux à rider en Rose, à tel point qu’un showroom ouvre ses portes en région parisienne (chez BIKE & TEST dans les Yvelines), où plus de 20 vélos seront en expo et en test toute l’année. La marque sera aussi présente au VéloVert Festival, au Critérium du Dauphiné à Vaujany à la mi-juin, et bien sûr au Roc d’Azur. Présenté en 2014 par la marque allemande, le fat bike Tusker est dispo en 2 tailles, M et L.
En statique, et à la sortie du carton, la section des pneus impressionne. Comparé à des Try All Shift, les Schwalbe Jumbo Jim en imposent ! Le cadre dans sa finition « raw », alu brossé, accentue le caractère prêt à mordre de l’engin. Les épaules de la fourche carbone, de dimension respectable, annoncent la couleur : ce fat n’est pas fait pour le tourisme mais pour envoyer du gros ! Le look bodybuildé et la géométrie ramassée du Tusker font de suite l’unanimité parmi les testeurs.
Les soudures sont régulières, le cadre respire la solidité. En témoignent le gousset de renfort au niveau de la jonction tube diagonal / colonne de direction et le tube supplémentaire entre tube de selle et tube diagonal.
Rose a retenu quelques solutions techniques fort intéressantes pour son fat, d’autant plus intéressantes quand on les regarde avec notre œil de trialiste. Le Trial commence enfin à regarder un peu ce qui se passe dans le VTT pour faire évoluer ses standards et il y a là matière à trouver inspiration pour beaucoup de nos constructeurs à bien des égards...
les pattes arrières coulissantes, très ingénieuses, laissent à l’utilisateur la possibilité de le monter en singlespeed et aussi de régler l’empattement en fonction du terrain.
Les axes traversants, bien que d’une manipulation peu aisée, apportent une rigidité supplémentaire au train roulant.
La direction est elle-aussi bien fat, du « tapered » of course
Le boitier de pédalier (100 mm de large) au standard BSC permet un réglage et un entretien facilités.
Le passage des cables en interne : esthétiquement, la meilleure solution. A voir toutefois sur la durée et en cas de nécessité de changement de gaine ou de câble (aspect pratique).
Le trialiste ne sera pas dépaysé par les jantes. Certes, elles sont plus larges que sur son spad de trial (80 mm !) mais elles sont percées. Un bon point pour le look et le poids !
Autre détail qui fait la différence, un plot de fixation ISCG équipe le cadre et permettra de monter un anti-D, pour les sorties engagées en montagne. Bien vu !


2- Les périphériques
Côté transmission, Rose nous gâte en confiant à SRAM le soin d’équiper son Tusker. Et avec le monoplateau 1x11, SRAM enterre le dérailleur avant ! Plateau de 30 dents et cassette 11 vitesses 10x42 : le développement est suffisamment large pour aborder sereinement la plupart des grimpettes. Rose a choisi le SRAM GX, qui couvre une large plage d’utilisation, du X-Country à l’enduro. Le plateau X-SYNC est usiné dans de l’alu 7075. Le dérailleur présente le concept de déplacement horizontal X-Horizon, taillé pour limiter les risques de déraillement. Et cela semble fonctionner puisque nous ne déplorons à ce jour aucun saut de chaîne !
Pour le reste de l’équipement, on est tout aussi bien loti... La marque allemande fait confiance à sa compatriote Ergon, pour les grips et la selle. Le poste de pilotage est confié aux Américains Race Face, l’une des marques phares dans les périphériques vtt. Le freinage à Shimano avec des Deore BL-M 615 avec disques de 180mm qui en terme de fiabilité et fonctionnalité n’ont pas grande chose à envier aux modèles haut de gamme de la marque. Enfin, Easton, autre équipementier US de référence, s’occupe de la tige de selle.
A noter que la quasi-totalité de cet équipement est personnalisable, via le configurateur Rose, très intuitif. Malgré toute cette débauche technique et l’excellent niveau d’équipement, le prix de ce fat reste particulièrement attractif : le prix de base de notre Tusker 1 est de 1460€ et des poussières, et quand on regarde ce que l’on a à ce prix-là dans les catalogues trial, on se dit qu’on est pas volé ! Pour ceux qui ont craqué complètement ou eut un billet gagnant en ce vendredi 13, il y a aussi un Tusker 2 qui élève encore le niveau de prestations : 2217€ avec équipement haut de gamme Sram X01 carbone pour dérailleurs et shifters, freins Sram Guide, pédalier E13... et fourche carbone de série.
La fourche carbone est en option sur le Tusker 1 et l’acheteur peut la sélectionner dans le configurateur Rose. L’investissement supplémentaire (moins de 200 euros), par rapport à une fourche alu en vaut largement la chandelle. Dans sa livrée noire, réhaussée par un discret sticker The Tusker, cette fourche en impose. Très bonne finition et un vrai souci de détail comme le reflète le petit guide-cable. Une réussite.
A noter que l’option fourche suspendue est possible. C’est Rock Shox qui habille dans ce cas la poupe du vélo avec sa Bluto, proposant 80 mm de débattement. Mais, c’est un accessoire qui nous semble bien superflu, mis à part peut-être pour une utilisation intensive en montagne. Rien ne vaut, pour nous, la précision d’une fourche rigide !
Pour notre essai, nous avons encore « pimpé » un peu plus notre engin, historie d’être encore plus à l’aise sur les rochers ! Le Tusker est livré de série avec une tige de selle classique. Il est possible de choisir dans le configurateur une tige de selle télescopique. Pour en posséder une sur un autre spad, nous avons opté pour une Ice Lift (non proposée par le site Rose). A un tarif imbattable (moins de 100 euros), on dispose d’une commande au guidon et d’un fonctionnement tout à fait correct. 3 positions sont offertes : tige en haut, au milieu et en bas. A l’usage, elle se révèle très fiable. Seul un jeu latéral au niveau du chariot apparaît assez vite mais cela ne gêne en rien le bon fonctionnement. C’est l’accessoire indispensable sur ce genre de spad. Une descente raide ? Une zone qui se présente à toi ? Hop, un petit coup de levier et la selle se place à mi-hauteur ou en bas, selon les goûts du pilote. L’essayer, c’est l’adopter !
Notre engin fait un bon 14 kilos (14,2 très exactement), mais il est possible de gagner quelques grammes en optant pour des chambres à air plus light. Bien que destinées à des pneus de section 3" maximum, les Schwalbe SV13F permettent de gagner 1/2 kilo sur les roues, ce qui est carrément canon. A l’usage, elles semblent tenir face aux crevaisons, même si c’est un point à vérifier sur la longue durée. Pour aller encore plus loin, on peut passer en tubeless : et hop, 350 grammes supplémentaires de perdus...
Enfin, il est conseillé de protéger le plateau par un bash (pas encore monté pour notre essai). On pourra le choisir, par exemple, dans la gamme Truvativ, une des branches de la société SRAM.
3- En "interzone"
Le spad est passé entre les mains de plusieurs riders, dont des vététistes habitués à envoyer les watts sur des bêtes lights de X-Country. Et l’adjectif qui revient le plus souvent dans leurs bouches est « surprenant ». Le Tusker est un éléphant mâle d’Afrique du genre bien balaise, avec des défenses énormes. Au premier abord, et vu la section XXL des pneus, on s’attend en effet à rouler un vélo pataud et peu réactif. L’exact contraire de ce qu’on attend d’un bike taillé pour le fun. Or, quelques tours suffisent pour que cet a priori vole en éclats. Surprenant, le Tusker l’est assurément. C’est sur un spad maniable que l’on se retrouve, confortablement installé au guidon de 780 mm de large !
Sur le plat goudronné, l’effet ventouse des Jumbo Jim gonflés à moins de 0,5 bar se fait ressentir mais si l’on ne vise pas un podium en Coupe du Monde de XC, no problèmo. On n’est pas là pour faire de la route, isn’t it ? Bref, les « interzones » en forêt se font facilement, au train. Le spad s’emmène facilement. Pour tout vous dire, le rendement est même assez bluffant. Il n’y a que sur les relances énergiques que l’on se rappelle que la bête dépasse les 14 kilos.
Là où le Rose fait fureur, c’est dans les sentiers monotraces à profil descendant. Oublié le pédalage sur route. Place au plaisir ! Et pour le coup, le Tusker en distille ! Une fois la tige de selle descendue, c’est le sourire et la poignée en coin que l’on attaque les descentes truffées de racines, de cailloux et d’ornières ! Et plus le chemin est défoncé et plus on prend notre pied. Dans ces conditions, le vélo est un monstre d’efficacité. Le grip latéral est phénoménal, les racines sont rayées de la carte ! On aborde les descentes avec une sensation de sécurité déconcertante. Le vélo gomme complètement les aspérités du terrain et on se concentre uniquement sur sa trajectoire. Et même là le bike autorise les plus largesses et permet de se sortir haut la main de situations délicates.
La rigidité de la fourche carbone permet de placer la roue au millimètre. Sur les sections les plus défoncées, le bike secoue le pilote mais sans réactions malsaines. Sa vivacité permet de négocier les épingles à "la trialiste", en pivot : bien aidé par des freins Deore puissants, faciles à doser et dotés d’un toucher franc, il est très aisé de lever et placer l’arrière. Dans les sections trialisantes, le bike fait des merveilles, bien aidé en cela par le cintre large et par le sloping du cadre : le dégagement aux genoux est parfait.
En montée, si l’on ressent bien l’embonpoint du spad, le grip des pneus et la géométrie le font vite oublier. Les Jumbo Jim mordent le terrain et la position équilibrée permet de venir à bout des montées les plus velues. Pas de décrochage de la roue avant dans les fortes pentes, le spad enquille sans broncher !
En résumé, le Tusker fait partie de ces spads qui donnent envie de rouler. Un bike qui fait merveille sur les terrains techniques. Un endurigide qui certes, ne sera pas aussi efficace qu’un tout suspendu de 160 mm dans certaines sections très défoncées (encore que...) mais qui s’en sort remarquablement bien dans des parcours typés enduro. A condition toutefois de disposer d’un bagage technique à la hauteur... Et sur une zone de trial, le Tusker est-il toujours aussi à son aise ?
4- En "zone"
Allons maintenant un peu plus loin dans notre fat investigation. Nous avons emmené le Tusker sur l’un de nos spots favoris : une section de grès du côté d’Ermenonville sur laquelle nous avons l’habitude de trialiser. Passer d’un pur spad de trial à 8 kilos à un fatbike de 14 n’est pas chose aisée. L’embonpoint du vélo handicape forcément le pilote dans les déplacements ou les rotations. Il faut vraiment engager physiquement pour tirer son épingle du jeu. Autre aspect qui restreint l’efficacité en zone : la "souplesse" au niveau du boitier de pédalier (comparé à un pur bike de trial s’entend) : il est difficile de cabrer le vélo et se déplacer sur la roue arrière demande à la fois du muscle et une certaine habitude. Pour pouvoir vraiment exploiter le potentiel trial de l’engin, une transmission plus raide et même idéalement singlespeed s’imposera.
Mais tel quel, le vélo est déjà dans son élément quand il s’agit d’enrouler les obstacles. Dans ce cas, sa précision fait merveille ! Son sloping hyper prononcé permet des déplacements très aisés du corps et l’on peut facilement passer d’un rocher à l’autre en comprimant les boudins et donnant un coup de pédale. Avec ce bike, on profite par ailleurs d’un grip remarquable sur les rochers et surtout... d’un effet de rebond impressionnant !
Au début, cela ne nous avait pas frappé, on se focalisait sur le geste sans accentuer la pression du corps sur les pneumatiques. En exagérant les appuis sur le pneu et la flexion/extension, on a été scotché par l’incroyable rebond généré par ces énormes pneus. Un cadre monté sur trampoline ? C’est un peu le second effet fat bike que ressentira le trialiste ! On avait au début quelques doutes sur les capacités de franchissement et de sorties de marches de l’engin, mais on en a maintenant la certitude : on peut « taper » les marches et envoyer des statiques, bref vraiment dompter du rocher après une courte période de prise en main. Et puis surtout, on roule smooth sur les rochers, on profite de sa stabilité. C’est du trial sur coussins d’air, du trial qui dans les portions descendantes même les plus cassantes, vire au sport de glisse ! Bon, le Tusker ne sera jamais, bien sûr, un pur bike de trial. En revanche, il excelle dans une pratique orientée enduro-trial, dans laquelle sa stabilité et sa précision font merveille !
Bilan ?
Le Tusker ne propose pas le confort pullman d’un tout suspendu, mais offre en revanche des sensations de pilotage grisantes : en full rigide, le pilotage prime ! Le choix des trajectoires, la souplesse, l’anticipation sont sans arrêt sollicités... Comme en trial, me direz-vous ? C’est une autre façon d’envisager le terrain. Pas de suspensions qui pompent de l’énergie et modifient l’assiette du vélo. Le contact avec le terrain est direct. Il s’adresse à tous ceux, trialistes ou non, qui trouvent leur plaisir dans les passages techniques, pas forcément négociés le plus vite possible mais avec finesse et précision.


Le Tusker nous fait découvrir le trial sous un tout autre angle, c’est un multiplicateur de fun ! Conçu dans une seule optique : le plaisir. Après cette première session qui en appelle d’autres, on en est convaincu : le fat bike l’engin idéal pour le côté « enduro » du trial ! Et puis aprs coup on se dit aussi que c’est l’engin royal pour celui qui a envie de travailler le fond avant les compéts’... Ô combien plus fun que le XC ou la route, mais non moins efficace. Il lisse le terrain pour te permettre de te concentrer sur le travail physique, pour muscler les jambes dans les montées et aussi faire travailler tout reste dès qu’on engage en descente et dans les portions trialisantes.
Et puis, il crée du lien social : c’est fou comme le fat permet d’engager la discussion avec les autres utilisateurs de nos contrées boisées... Ride fat or die !
********************* Note de la rédaction : 9/10 *********************
On aime |
On aime moins |
+ rapport qualité/prix/plaisir | poids... mais c’est un fat ! |
+ équipement | bagage technique indispensable pour efficacité trial |
+ sensations grisantes | - transmission qui bride le potentiel trial |
Pour plus d’infos :
site Rose Bikes France
page produit The Tusker
facebook Rose Bikes France