Rafael Tibau est devenu le meilleur pilote 26 d’Espagne. Après une saison 2012 fabuleuse (Champion du Monde et d’Europe BIU en Senior, qualifié pour 3 finales de Coupe du Monde UCI, 9ème au classement mondial UCI), on se devait de le faire passer au micro de Tribal Zine, afin qu’il évoque avec nous tout cela et cette saison 2013.
Faisons donc plus ample connaissance avec l’un des meilleurs espoirs du trial espagnol., un garçon qui quelques jours après cet entretien a pris la quatrième place de la course Super Elite de l’épreuve considérée comme la plus dure au monde : les K-124 Days 2013 !
Interview
Salut Rafa, pour commencer, merci pour le temps que tu nous accordes. Comment te définirais-tu en tant que pilote ?
Merci à vous. Eh bien, je suis un pilote travailleur. Je ne suis ni le meilleur ni le plus mauvais mais depuis quelques années déjà, je bosse avec une bonne équipe et c’est ce qui me réussit sur les courses.
Depuis combien de temps roules-tu en trial ? Comment es-tu venu à cette discipline ?
Cette année, cela fera 10 ans que je pratique. J’ai découvert ce sport au collège. J’avais des copains qui en faisaient ; petit à petit, j’ai commencé à participer à des compétitions, d’abord régionales, puis nationales et mondiales. Et aujourd’hui, je suis là (rires).
Quand as-tu décidé de te mettre sérieusement au trial ?
Je crois que c’est au moment où je suis arrivé à Ripoll, dans le centre d’entrainement. C’est là que j’ai commencé à me focaliser sur le vélo. J’étais en Seconde. J’ai commencé à rouler avec César Cañas, à avoir une préparation plus cadrée, j’ai trouvé des partenaires qui m’ont aidé dans mes déplacements et pour le matériel. Je pense que c’est là que je m’y suis mis vraiment sérieusement.
Peu de gens savent que tu as roulé en 20 pouces, avant de passer au 26. Pourquoi et à quel moment s’est opéré ce changement ?
Je crois que j’ai juste eu envie d’essayer. Cela fait maintenant 4 ans que j’ai changé. J’ai commencé avec un Hydroxx et l’année suivante, un Monty sur lequel j’ai roulé jusqu’à ces derniers temps.
Si tu devais mettre en avant une de tes particularités, ce serait laquelle ?
Je pense que je m’exprime pleinement en compétition. J’estime que je gère plutôt bien les situations extrêmes. Il y a des pilotes qui roulent très bien à l’entraînement mais s’effondrent pendant les courses. Je pense que je gère bien ces situations.
Et à l’inverse, que souhaiterais-tu changer ?
En ce moment, je travaille beaucoup pour rouler plus proprement, en épurant le style et en étant plus confiant sur le vélo. Par moments, je sors les gros morceaux mais sans finesse. On travaille dans ce sens d’un style plus propre.
La saison 2012 a été un peu celle de ton explosion au niveau mondial : Champion d’Europe et du Monde BIU, trois finales UCI et seulement à un point d’une Super Finale. Quel bilan tires-tu de cette saison ?
Ce fut sans nul doute une année de travail intensif. Un travail global et d’équipe : les conditions indispensables pour que les résultats arrivent. On a beaucoup bossé le physique, j’ai roulé avec César… Si tu fais les choses sérieusement, forcément, à un moment donné, ça finit par payer. Je n’oublie pas, bien évidemment, mes sponsors, sans qui tout cela ne serait pas possible.
Nous avions discuté il y a quelque temps et tu nous disais, à l’époque, que tu ne te voyais pas dans le trial en tant que professionnel. Ta brillante saison 2012 t’a-t-elle fait changer d’avis ? Quels sont tes objectifs pour 2013 ?
Mes objectifs pour les prochaines saisons sont de me maintenir à un bon niveau de trial, rester dans le top 10 ou top 8. Et quand je serai en fin de carrière (probablement vers 22-23 ans), je pourrai me poser. J’adorerais vivre pleinement une saison en tant que professionnel : me lever, aller rouler, aller en salle de muscu… En ce moment, mon entraînement est plutôt saccadé, j’ai des examens. Mais j’aimerais essayer une saison pro.
Il y a un grand nombre de pilotes vraiment spectaculaires et à un très bon niveau : Vince, Giacomo, Kenny… Que penses-tu du niveau actuel en 26 ??
Honnêtement, le niveau est très élevé et il y a beaucoup de bons pilotes. Mon objectif, comme je te l’ai dit, c’est d’être dans le top 8. Battre Gilles est, pour moi et pour l’instant, impossible. Mais, bien sûr, je ferai tout pour être le meilleur possible. On en discutait justement l’autre jour avec César : Gilles, Giaco, Vincent, Jack, Aurélien… on va travailler dur pour entrer en finale et se battre avec ces pilotes.
Lequel de ces pilotes aimerais-tu le plus battre ?
Je pense que si j’arrivais à être devant Aurélien, ce serait une très grosse satisfaction. Ce sont des pilotes professionnels qui s’entraînent en conséquence ; les résultats suivent. Hegedus est un pilote qui, pour moi, peut être imbattable dans un bon jour. Iciar a une puissance incroyable et qui exprime tout son potentiel en compétition. La saison passée a été un peu particulière avec des Super Elites parfois absents pour cause de blessure. Mais cette saison, ça va être dur d’entrer dans les finales.
Jack Carthy a fait sensation la saison dernière et bousculé la hiérarchie. Il s’est imposé parmi les meilleurs dès sa première année. Qu’en penses-tu ?
Au début, je le voyais un peu comme un pilote arrogant. En fait, je me suis vite aperçu, en discutant avec lui, que c’est un gars très humble. Il a une philosophie de gagneur, il fait tout à fond, et ça me plait. D’après ce qu’on m’a dit, il roule beaucoup plus que l’an dernier et il sera le seul à pouvoir battre Gilles. Je l’admire.
Et Hannes ?
Je pense que la saison dernière ne lui a pas réussi mais c’est un pilote de grand talent et d’un gros niveau.
En 26 pouces, il y a de nombreux pilotes de talent mais Gilles n’a pas de rival. En 20 pouces, c’est un peu plus ouvert. Tu penses qu’il manque une part d’émotion et de suspens dans le trial ?
J’ai vécu de bonnes compétitions en 20 pouces car ce sont toujours des amis, comme Dani Comas ou Abel Mustieles qui étaient au top. J’ai assisté à des finales spectaculaires. En 26, celles-ci peuvent s’avérer ennuyeuses, surtout quand Gilles enchaîne les zéros (rires). Le niveau en 26 est vraiment effrayant, surtout quand vous voyez d’un jour à l’autre arriver un gars comme Jack… Les pilotes se professionnalisent, ce qui booste le niveau. Et puis l’UCI et les Coupes du Monde vont dans le même sens... Tout ceci progresse fortement.
Il y a de plus en plus de bons pilotes mais essentiellement en 26. Qu’est-ce que le 20 pouces n’a pas, par rapport au 26 ? C’est plus facile d’être à un haut niveau en 26 ?
Je pense que les bikes en 26 sont plus agréables à rouler. Tu peux franchir des obstacles plus hauts et progresser plus vite. Cela rend le 26 attractif. J’aime le style du 20 pouces mais ce format de roues ne me convient, ça fait trop trottinette. Avec un 26 tu peux franchir 1.30 m de côté ; en 20 pouces, le même geste sera beaucoup plus difficile.
Que ferais-tu pour améliorer l’image du trial et le rendre plus attractif ?
Ce que l’on est en train de faire actuellement, organiser des compétitions en ville, c’est la clé. C’est un bon moyen de rendre le trial médiatique et, par conséquent, d’attirer les sponsors. La retransmission des épreuves en direct est aussi un aspect important. Pour ma part, j’essaierais d’organiser une Coupe du Monde ici, en Espagne ; à Barcelone, ce serait le top et je pourrais courir à domicile…
Après trois années passées chez Monty, on te voit rouler sur un Ozonys. Tu peux nous en dire plus ? Tu as signé avec la marque française ?
En ce début de saison, j’attends avec impatience les Championnats d’Espagne et les compétitions internationales. En attendant, je roule beaucoup sur ce vélo. Et c’est tout ce que je peux vous dire (rires).
Comment trouves-tu ton nouveau vélo ?
Au début, il me paraissait court, par rapport au Monty. Mais avec des ajustements au niveau de la potence, du cintre et de la fourche, il me convient parfaitement. Je progresse et je me trouve meilleur avec ce vélo et plus fin.
Tu as une idole ou quelqu’un à qui tu voudrais ressembler ?
Au niveau espagnol, Dani et Musti sont mes références et j’essaie de suivre leurs pas. Cesar Cañas joue aussi un rôle très important. Je m’entraine avec lui au moins une fois par semaine. On travaille toutes les techniques en essayant d’en tirer le meilleur rendement.
Comment te prépares-tu physiquement ? Tu as changé quelque chose par rapport à 2012 ?
Cette saison, je bénéficie du soutien des préparateurs physiques de mon sponsor, Wild Wolf. Ce sont de grands professionnels qui travaillent avec de nombreux sportifs de haut niveau. On a commencé la saison en travaillant la force, la résistance. En ce moment, on soulève bien des kilos et ça me fait progresser. Je soulève 140 kilos et je me sens mieux. Je suis très content de cette méthode de travail, je progresse et c’est plutôt agréable.
Tu vas faire le Mondial de Biketrial cette saison ?
En principe non mais peut-être de façon sporadique. Ma priorité va aux épreuves UCI, là où se trouve le niveau. C’est ce que je veux. Si les deux calendriers ne coïncidaient pas, j’aurais couru un maximum de courses, c’est toujours bon de le faire. Mais les choses sont comme elles sont.
Pour finir, on te remercie de nous avoir accordé du temps. On te souhaite le meilleur pour cette nouvelle saison.
Merci pour l’intérêt que vous me portez. Merci d’être toujours là. Vous participez à une diffusion plus large du trial. Merci aussi à mes sponsors, sans qui rien ne pourrait se faire. Enfin, je remercie mon entourage qui me suit et me soutient.
Interview réalisée par Álvaro López
Photos : avec l’aimable autorisation du TibauTeam