Il y a quatre ans, le cintre carbone faisait son apparition sur les zones et il suscitait au départ beaucoup d’interrogations et d’inquiétudes. Avant de s’imposer très largement au point de devenir un équipement de série standard de tout montage haut de gamme qui se respecte. Il y a deux ans, Try-All (encore !) faisait un pas de plus en avant en matière de composant carbone en lançant la première fourche carbone. Là-aussi il y a eu débat sur la dangerosité du produit. Les pilotes élites ont vite montré les limites de cette première génération de fourche carbone, qui a occasionné des casses spectaculaires en série. Une seconde génération de fourche carbone arrive aujourd’hui sur le marché, qui dispose d’un renfort en aluminium dans la partie supérieure du tube de fourche, où ont été observées ces casses.

Tribal Zine a mis l’une d’entre elles sur le banc d’essai : la Rockman "Carbon", seule concurrente 26" de la Try-All Karbon, est la première fourche carbone que nous testons. Inutile de dire que nos Tribal Testeurs étaient bien impatients de découvrir cette belle nouveauté. Merci au shop Trialprod, qui a immédiatement mis à notre disposition cette fourche dès son arrivée sur le marché le mois dernier. Elle est montée sur un Rockman Slate 2 XL V2 (essai du bike à suivre ce week-end !). Comme toujours ce crash test est un vrai travail d’équipe. Dans le rôle du technicien et aussi du pilote expérimenté Greg’ Soignon, qui a déjà testé tout ce qui existe sur le marché en matière de fourche aluminium et a une connaissance pointue du carbone (qu’il sait mettre en œuvre). Jébegood est à ses côtés dans le rôle du pilote "lambda" et pour recueillir et traiter les données sur le terrain. Derrière l’objectif pour les photos action, on retrouve le photographe orléanais Antoine Prouteau. Et puis last but not least, deux pilotes élites, compétiteurs avertis, qui vont eux-aussi rider une fourche carbone pour la première fois : Julien "Djoul" Parent et Rémy "Moos" Durville. L’objectif de cette équipe est bien sûr de vous présenter ce produit dans ses moindres détails, d’observer sa conception, sa finition, avant de le tester sur le terrain et de le comparer avec une fourche aluminium classique... C’est parti !

La Rockman Carbon à la loupe !

Nos testeurs commencent tout d’abord par passer à la loupe cette première fourche carbone qu’ils ont devant eux. Ils la caressent du regard, la touche, la désirent... Qu’est ce qu’elle est belle ! Par contre, le pivot de fourche est vraiment surdimensionné par rapport à la douille de direction 1" 1/8. Cela ferait meilleur effet sur un bike avec une douille à direction intégrée. La finition mate fait propre et nous sommes devant un produit sobre et classe, avec un vrai souci de finition haut de gamme, des pattes jusqu’au pivot.

Cet aspect mat permettra d’éviter les petites rayures. On a n’a pas l’aspect brillant que l’on retrouve généralement sur les composants carbone et qui est donné par le gelcoat en fond de moule. Mais il y a bien une couche de protection couvrant la résine époxy : il s’agit d’une couche de vernis protecteur mat. En cas de choc, on n’est donc pas directement sur la résine. Des riders ont perdu les pédales sur quelques obstacles mais pas de marquage alarmant sur la fourche observé lors de notre session.

On observe de plus près la conception de cette fourche. Il y différentes options possibles en matière de type de trame, qui permettent d’obtenir des caractéristiques mécaniques différentes. Rockman a fait le choix d’un tissage unidirectionnel. Les fils se croisent à 90° et la trame est orienté dans un même sens (0°). La même option choisie par l’ensemble des marques pour les cintres carbone, qui concentre a résistance et l’élasticité dans un axe unique. C’est une solution différente des premières fourches carbone que l’on a connu, les DF Racing, où les fibres de carbone se croisaient et travaillaient dans deux sens différents ce qui donnait une rigidité absolue. On se dit qu’il y a encore des perspectives d’évolution pour ce produit, pour complexifier les propriétés mécaniques du carbone, et on n’est certainement que dans première phase de développement de la fourche carbone trial moderne. Ce type de produit que l’on a devant nous est encore assez basique. Les fibres de carbone travaillent toutes dans le même sens. On est sur un fil de type 3k, un fil fin et serré, qui est la solution également utilisée pour les cintres carbone : elle est la plus simple à mettre en œuvre, à tourner, à tordre.

Le bas de la fourche où se situe la liaison avec les pattes de fourche est certainement l’une des parties les plus complexes à mettre en œuvre sur ce produit. Et c’est assurément un beau travail qui est fait à ce niveau. Les pattes sont de type coquille, comme sur une fourche suspendue, ce qui permet d’accroître la rigidité. Elles sont en carbone, et des plaques d’aluminium sont positionnées aux zones de contact avec le moyeu et ses vis de fixation. Un détail qui a son importance car ces pattes sont une pièce d’usure à ne pas négliger avec les démontage/remontage régulier imposé par le full HS 33, quand on transporte son bike en voiture. La liaison entre les pattes et les nappes de carbone est très bien travaillé, un vernis noir mat vient cacher les recoupes. C’est très bien fait. Rockman s’est appliqué sur l’esthétique de la fourche. Le nom de la marque ressort en relief (on ne sait pas si c’est rapporté ou moulé)... comme sur la fourche Try-All. Sur l’autre fourreau de la fourche, on retrouve la mention "Carbon", en sticker cette fois-ci. On est encore et toujours dans cette même attitude d’imitation de la marque française et c’est dommage. Déjà la fourche en elle-même a de sérieux airs de famille avec la Try-All et ce logo vient en rajouter encore une couche. Une déco’ plus originale aurait vraiment été la bienvenue, surtout qu’en la matière, Rockman a généralement de l’imagination. La marque aurait pu se démarquer autrement au lieu de rester dans cette même ligne, qui commence certainement à lasser le consommateur. Le carbone est appelé à se développer de plus en plus dans le trial, Rockman se positionne déjà sur ce secteur, et c’est dommage qu’elle n’essaye pas d’entrée de jeu de se démarquer plutôt que de suivre...

On s’intéresse à présent à la partie haute de la fourche. Le pivot de fourche reçoit une belle finition en noir et blanc et, à l’intérieur, un insert en aluminium est collé pour renforcer la partie haute la plus vulnérable. Il est collé avec une colle type époxyde 3M une fois que la fourche a été recoupée à la bonne longueur après positionnement de la potence. Un détail qui nous chagrine vraiment : le tube de colle n’est pas fourni d’origine avec cette fourche, il faut se procurer cette colle spécifique. Au prix de la fourche, on s’attendrait à ce qu’elle soit fourni avec ! On connaît le sérieux de Trialprod, on sait qu’il accompagne ses clients, qu’il saura les conseiller à ce sujet, mais on s’étonne que le fabricant ne fournisse pas directement la colle avec la fourche. D’autant plus que cela conditionne la garantie. Et le mieux aurait peut-être été de développer un autre système de type plongeur fileté ou quelque chose qui fasse moins "bidouille". Plein de solutions techniques existent et ce choix est discutable. Pour des jeunes pilotes, c’est certainement quelque chose de rebutant à réaliser sur une fourche neuve. Un point certainement à revoir !

Les tasseaux de freins sont positionnés en arrière de la fourche, la meilleure solution à nos yeux, et les pièces qui reçoivent les vis de fixation des étriers de frein sont en alu CNC et filetées. Elles se fondent parfaitement dans la masse de la fourche comme les pattes de fourche. Une petite remarque au passage de l’un de nos pilotes : il aurait été bien de penser aussi à ceux qui roulent avec un disque à l’avant. Certes ils sont rares par les temps qu’il court, surtout sur les zones, mais le disque a toujours ses adeptes pour le confort de pilotage et la précision qu’il apporte en naturel pur.

Essai terrain : un vrai progrès pour le trial 26" !

Il est temps de passer à l’essai proprement dit. Les riders se battent pour enfourcher (c’est le cas de le dire) le Slate XL à fourche carbone. La première chose qui les frappe est bien sûr la rigidité impressionnante de ce produit. C’est raide, dans tous les sens : frontalement, latéralement. Une stricte rigidité ! Nos riders font toute une série d’appuis forcés sur cette fourche sans la sentir bouger le moins du monde ! Incroyable. On sent de suite que c’est une très bonne fourche. Et surtout, c’est tellement léger ! On gagne un peu plus de 200 grammes par rapport à une fourche traditionnelle (la fourche fait 590g insert compris non recoupée), et cela se ressent immédiatement. L’avant est plus vif, le vélo se cabre plus facilement, part plus vite sur les obstacles.

Nos pilotes élite sont immédiatement comblés par ce produit. Ils vont tout de suite chercher des grosses failles sur l’avant et des crochetages pour voir ce qu’elle a dans le ventre et ils ne boudent pas leur plaisir : "C’est de la BOMBE !" Pour le trial de haut niveau, ce n’est pas un luxe mais un vrai progrès ! La rigidité est absolue. L’effort est immédiatement et totalement retranscrit. Elle ne plie pas. Terrible sur les crochetés, et les appuyés sur l’avant, où l’on gagne en précision et rendement. Par contre, moins évidente à gérer qu’une fourche aluminium sur les tapés : sur ce geste très exigeant, elle est moins facile et rend trop de coups dans les bras. Ils avouent aussi que c’est une fourche qui pardonne moins les erreurs. Par exemple sur un crochetage qui n’est pas parfaitement plaqué et qui renvoie la fourche sur le côté, le geste est plus facile à récupérer avec une fourche alu pour sortir la marche. La fourche carbone sera plus radicale, « binaire » en quelque sorte : elle n’aide pas autant le pilote mais va plutôt l’éjecter en cas d’erreur. Il faut vraiment bien plaquer le geste et garder le cap !

Même remarque en latéral : la performance est au rendez-vous, mais il faut être encore plus précis. Il faut aussi au départ un petit temps d’adaptation pour avoir ses marques : le centre de gravité du vélo se déplace avec le gain de poids sur l’avant, et cela déstabilise un peu de prime abord. On note que la rigidité latérale de la fourche est absolue. Toute la force est retranscrite sur l’obstacle et cela peut occasionner quelques glissades à l’arrivée si le placement est un brin approximatif.

Sur les transferts avant, là encore un excellent comportement, mais musclé ! Et un de nos élites nous précise : "Il faut être gainé correctement pour savoir profiter de la nervosité de cette fourche. Ça envoie grave, ça plante du tonnerre !"

Bref, c’est la fourche idéale pour le pro, le compétiteur chevronné, mais qui sera plus difficile à dompter pour le reste des pratiquants. Un produit idéal pour faire de l’artificiel, pour optimiser la performance sur des mouvements comme le deux-coups ou le planté. La fourche UCI ? Le pilote qui fait tous les jours de la buse, des palettes, de la grosse zone artificielle va assurément se faire plaisir et ne regrettera pas d’investir dans un tel produit. Mais pour celui qui va faire du naturel tous les jours, du naturel parfois glissant où un peu de souplesse de la fourche aide, il sera parfois un peu pénalisé par une fourche aussi "straight". Le côté ultra-rigide va faire glisser un peu plus les pneus et ne va pas autant pardonner. En même temps, notre spécialiste du carbone qui a connu il y a des années la première fourche carbone à double té DF Racing, nous avoue retrouver tout de même une certaine souplesse sur ce produit. Ces premières fourches carbones étaient de vrais bouts de bois d’une rigidité extrême, trop extrême même. Là on a quelque chose de plus vivant tout de même, que l’on peut encore sentir travailler sur de gros accrochés.

Bilan : enthousiasmant !

Quel est le bilan que tire notre équipe après ce premier essai d’une fourche carbone ? Il sont enthousiastes ! Ils ont découvert un produit à la finition impeccable, même s’ils auraient aimé une déco’ un peu plus originale. Le choix de l’insert à coller manuellement est discutable. Sur le terrain, cette fourche est assurément un grand pas en avant pour les compétiteurs 26’. Une vraie révolution en matière de composants trial, où finalement pas grand chose n’avait bougé depuis les cintres carbone. Là on a quelque chose qui vient alléger notablement le bike, et qui améliorer son comportement. Les limites de ce produit : certainement sa durée de vie, que l’on a pas pu apprécier sur cet essai à court terme, mais qui est forcément plus courte que celle d’une fourche aluminium, ne serait-ce qu’en cas de chocs. Son prix plus élevé aussi bien sûr qu’une fourche carbone : 349€, soit 200€ de plus qu’une bonne fourche aluminium. Mais la performance est on l’a vu clairement au rendez-vous et nos élites ont été comblés. La fourche carbone est un vrai progrès pour notre discipline, certainement un futur standard du bike de compétition haut de gamme, qui s’imposera comme s’est imposé le cintre carbone il y a quelques années. Un bon point pour finir : elle est proposée avec une garantie de 6 mois sous réserve d’utiliser l’insert en alu fournit et monté selon les règles de l’art. On approuve !

Pour plus d’infos :
 Trialprod - [email protected] - +33 (0)6.24.77.46.12